L'amour au bout de la souris

Publié le par chiara

Après le minitel rose, place à la rencontre sur internet. Très demandeurs, les quelque huit millions de célibataires en France sont de plus en plus nombreux à ne plus compter que sur le hasard pour trouver l’âme sœur, pour le plus grand bonheur de Meetic qui a doublé son chiffre d’affaires l’an dernier et de centaines d’autres sites qui tablent avec succès sur le désert affectif moderne.

Chasseurs de cœurs, à vos souris ! La terrasse d’un café parisien, jeudi dernier. Il a une petite quarantaine, il est divorcé et exerce le métier d’architecte. Après être passée plusieurs fois devant les tables alignées sur le trottoir, une grande jeune femme blonde s’approche de sa table. « Vincent ? ». « Oui, tu dois être Carine ». Sourires. Elle prend place à côté de lui, et commande la même chose que lui, un verre de Brouilly. C’est parti pour un apéro, peut-être un dîner ou qui sait, quelques années ou toute une vie. Cette scène aurait pu se passer à Nancy, à Rennes, à Marseille, mais aussi dans l’un des 84 pays dans lesquels est présent Meetic (1). Plus besoin de présenter ce site fondé en novembre 2001 par Marc Simoncini. Tout le monde a entendu parler de la réussite phénoménale de cette agence matrimoniale virtuelle et de son charismatique patron.
65.000 nouveaux inscrits par jour
Six ans après sa création, quelque 28 millions de profils sont enregistrés dans l’immense banque de donnée du site, première plateforme de rencontre en ligne de toute l’Europe. Chaque jour, 65.000 nouveaux candidats à l’amour s’inscrivent sur l’un des sites de la marque, bien décidés à rompre leur solitude. Comme José, 35 ans, qui travaille à Paris sur les marchés financiers. Après une rupture difficile il y a sept mois, il s’est décidé il y a quelques semaines à franchir le pas. « Je n’étais pas très à l’aise avec ça, je trouvais que rencontrer la femme de sa vie par internet, c’était pas très glamour, que ça enlevait un peu de piquant à la rencontre. Pourtant, quand un copain m’a dit que je ne mettais pas toutes les chances de mon côté, j’ai décidé de jouer le jeu ».
Un choix de plus en plus assumé
« Pour le moment, j’ai rencontré deux jeunes filles, mais mon profil était mal fait : elles ne correspondaient pas à ce que je recherchais, ni physiquement ni intellectuellement. Alors j’ai changé ma fiche, et depuis quelque temps, je "chatte" avec une jeune fille russe qui vit en France, et j’ai hâte de la rencontrer » , raconte le banquier romantique, qui commence à trouver l’idée « pas si mal », voire à assumer ce nouveau moyen de trouver l’amour. Tout en décrétant quand même avec un sourire : « Si je tombe amoureux grâce à Meetic, on se réinventera une rencontre plus exotique, sur une gondole à Venise ou à la terrasse d’un café à Rio ».
« Discréditant
» Honteux, Meetic ? Longtemps assimilé aux désespérés de l’amour, aux renégats du sentiment, ce type de rencontre est en train de changer d’image et de se voir enfin accepté par l’entourage des amoureux. « J’étais la première surprise » , raconte Caroline, qui a rencontré Vincent, son « Meetic-boy », il y a un an, et qui file depuis le parfait amour. « Je pensais que dire qu’on s’était rencontré sur internet était un peu discréditant » et se retrouve plutôt surprise du bon accueil de ses proches. Décomplexée, elle a d’ailleurs posé cet été dans l’hebdomadaire Paris Match, avec d’autres couples qui comme elle ont découvert l’amour par le biais de leur ordinateur.
Les filles aussi passent à la caisse !
Signe des temps, depuis le début 2007, les filles paient aussi leur écot pour trouver l’homme de leur vie : un pas de plus pour la parité des cœurs ! « Le plus gros indicateur qui montre le changement ? Quand on a lancé Meetic, on avait 75 % de garçons pour 25 % de filles alors qu’aujourd’hui on a exactement moitié-moitié. Ça montre que les sites de rencontres ont énormément évolué » , analyse Marc Simoncini, le PDG de Meetic. Une parité budgétaire qui comporte un risque de voir partir les clientes les plus jeunes (les 18-25 ans) qui n’ont pas forcement les moyens pour ce genre de service, mais qui crédibilisent aussi le profil de celles qui restent. Une formule paayante pour les femmes a été testée avec succès dans six pays européens l’année dernière, avant de débuter en France.
Les VIP de l’amour
Depuis janvier, le pari semble gagné : les femmes n’ont pas fui vers des cieux plus cléments - ou en tout cas meilleur marché - et ont dégainé leur carte bleue : « Le nombre d’inscriptions n’a pas bougé, nous avons toujours autant de femmes qui s’inscrivent sur notre site » , se réjouit Marc Simoncini. Le paiement des femmes reste toutefois facultatif : même sans payer Meetic, elles peuvent dialoguer avec les membres, ont un forfait « premium » ou « select » (39 à 54 euros pour le premier mois quand même !) et qui, seuls, ont accès à ces contacts supplémentaires.
Amour ou aventure ?
Un pas que refuse pour le moment de franchir Aymeric Leger, l’un des fondateurs d’Easyflirt (2), créé en 2002 et qui talonne aujourd’hui le géant Meetic. La spécificité du site ? Le choix qu’a l’internaute de choisir entre la case « love », « sexy » ou « gay », en fonction de la finalité des rencontres qu’il a envie de créer. « Nos clients se partagent à part égale entre les deux premiers choix, et 5 % choisissent la case "gay" » , explique ce jeune homme d’affaires basé à Annecy. Si Meetic communique sur le grand amour - voire le mariage -, Easyflirt revendique moins d’hypocrisie. « Nos clients recherchent le grand amour ou une aventure, exactement comme chez nos concurrents » , glisse-t-il avec malice. Tout en reconnaissant que les campagnes de pub de Meetic, épurées et rassurantes, leur ont fait aussi bénéficier de l’image « clean » qu’a désormais la rencontre sur internet, où tout est fait pour que l’utilisateur se sente en confiance : modérateurs chargés de surveiller qu’il n’y ait pas de call-girls venues chasser le client, interdiction de mettre une photo de soi nu ou en maillot de bain, attribution d’un numéro de téléphone sécurisé pour faire connaissance sans dévoiler ses coordonnées personnelles...
Réseaux sociaux des temps modernes
« Les sites de rencontres sont devenus les réseaux sociaux des temps modernes » , affirme la sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui les compare aux bals populaires des années 20, dans lesquels les jeunes filles se rendaient pour trouver un mari. Aujourd’hui, le bal est virtuel et les convertis, comme Chloé, 28 ans, ne le regrettent pas . « J’ai rencontré Thomas sur le web il y a deux ans et nous venons de nous installer ensemble. Mais même si nous habitons la même région, nous n’avions aucune chance de nous rencontrer sans internet : pas les mêmes amis, ni les mêmes lieux de sorties : on se serait raté » , analyse la jeune infirmière. Même son de cloche pour Henri, 36 ans : « On ne sait pas si l’on va rencontrer l’amour, mais découvrir des nouvelles personnes, auxquelles on n’a pas forcement accès dans son entourage, c’est enrichissant. Et puis l’écrit permet d’apposer un filtre, d’utiliser un mode de rencontre pas basé uniquement sur l’apparence ». Une nouvelle image rose bonbon valorisante pour les sites mais qui ne fait pas oublier qu’une bonne moitié des internautes connectés viennent y chercher l’aventure. Témoin, Clovis, 34 ans échaudé par une histoire qui a mal tourné et a décidé d’en profiter : en deux ans, il a rencontré une soixantaine de filles, avec lesquelles il a passé une nuit ou quelques jours. Sa dernière anecdote : une animatrice de télé mariée, qui avait envie de s’offrir quelques après-midi de bon temps avec un bel inconnu. « Je suis régulièrement contacté par des femmes mariées qui s’ennuient dans leur couple et veulent un peu de frissons », raconte le jeune homme. « Internet est le moyen le plus rapide et le plus efficace pour enrichir sa vie sexuelle en un clic ». Conscient des possibilités qu’offre la toile, un jeune entrepreneeur a décidé de décliner le principe et vient de créer « Pets dating », le premier site de rencontres pour animaux !
 
1. Meetic. fr 2. Easyflirt. com
 
Claire Steinlen

Publié dans chiarapeople

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